« Votre attention, s'il vous plait ! » s'écriait Adela en frappant délicatement son couteau contre son verre.
« Nous sommes tous réunis aujourd'hui pour célébrer l'union de ma magnifique soeur à son prince charmant. » Commençait-elle.
« Pour tout vous avouer, j'ai toujours été assez protectrice envers ma cadette et nombreuses sont les fois où elle aurait bien aimé m'étriper. » Riait-elle en compagnie des invités et des jeunes mariés.
« Mais ce soir, je suis confiante. Et je sais qu'elle est désormais dans de bonne main dans les bras de cet... » Ne terminait-elle pas sa phrase. Elle se stoppait net, déposant une main sur son ventre gonflé. En effet, la jeune blonde de vingt-quatre ans était enceinte de huit mois et deux semaines.
« Je viens de perdre les eaux... » Concluait-elle, légèrement paniquée. Son mari arrivait rapidement auprès d'elle et la prit dans ses bras, telle une princesse, en se dirigeant vers la sortie. La grand-mère du côté paternelle s'occupait en attendant du petit William, âgé à l'époque de deux ans. La jeune maman précisait à sa soeur, qui souhaitait venir, de rester et de profiter de sa fête de mariage puis elle disparut avec son homme dans un taxi.
« Respire ma chérie, respire à fond. » Lui conseillait son époux. Elle s’exécutait en sentant les contractions devenir de plus en plus abondantes et douloureuses. Vingt minutes plus tard, ils arrivèrent enfin à la clinique de Boston, dans l'État du Massachusetts, au nord-est des USA, et c'est lorsque les sages femmes les emmenèrent dans une salle que le travail commençait. Durant quatre longues heures, Adelina peinait à endurer les douleurs à son ventre et le travail qui était de plus en plus pénibles. Mais ce mauvais souvenir se dissipait aussitôt quand elle entendait pour la première fois les cris rassurants du nouveau né, de son nouvel enfant.
« C'est une fille. » Annonçait une sage femme en lui donnait le bébé dans les bras. Les doigts de la mère vinrent baisser lentement le tissu qui le recouvrait pour admirer son visage angélique.
« Calix-Arizona.. » Murmurait-elle en lui caressant délicatement la joue du bout de son doigt.
Le jeune garçon, qui était désormais un grand frère, ne mit pas longtemps à aimer le petit ange qui venait d'entrer la famille malgré ses nombreuses appréhensions et caprices. William s'est pris d'une affection immense pour sa petite soeur. Il la protégeait comme la prunelle de ses yeux et encore, elle était plus importante que cela. Souvent, les inconnus les prenaient pour des jumeaux, tellement leur complicité était frappante. Sa soeur était tout pour lui et c'était bien réciproque. Il la préservait des mauvais garçons et des méchancetés qu'elle pouvait recevoir sur son poids à l'école. Il n'hésitait pas à la défendre et à se battre même. Nombreuses sont les sermons qu'il a reçu. Calix est toujours resté avec lui et ses amis. C'est peut être pour cela que la demoiselle était très mature par rapport aux enfants de son âge. Les deux ne pouvaient jamais imaginer être loin l'un de l'autre ne serait ce qu'un seul instant. Mais un jour où l'autre, on finit tous par prendre notre envol.
Nous étions à l'entré du centre-ville et les feux y sont abondants. Mon grand-frère, William, et moi étions dans sa voiture. C’est lui qui conduisait. Nous revenions de boite de nuit avec quelques potes à lui qui étaient quant à eux dans la voiture de Duncan. Il est vrai qu’ils avaient fumé un peu avant de prendre le volant et comme c’était en pleine nuit, les deux n’hésitaient pas à faire quelques folies en appuyant sur l’accélérateur, étant donné qu’il n’y avait personne dans les rues. Une longue course commençait entre les deux voitures. Puis ce qui devait fatalement arriver se produisit. Alors que mon frère doublait la voiture de Duncan, il n’avait pas fait attention aux feux tricolores qui nous signalait l’arrêt et c’est au moment où je me tournais vers lui pour rire avec de les avoir dépassé que je l’ai vu. Les lumières m’avaient aveuglé et j’ai hurlé à me déchirer les cordes vocales. Un camion nous a percutés. Le bruit strident des pneus qui freinent perçait mes tympans. Nous fûmes projeter au loin en enchainant les tonneaux. J’ai pu voir ma vie défiler et la fin se rapprocher. La vitre s'explosait en plein sur mon visage et ma tête alors que le toit s’encastrait au dessus de nous. Notre dérive fut arrêtée contre une cabine d’un arrêt de tramways. Je ne sais combien de temps je suis restée inconsciente mais lorsque mes yeux se sont ouverts, j’ai vu mon frère inerte. Il a été désarticulé par l’énorme capot du camion qui encastrât complètement sa portière et son siège. Sa tête demeurait sur mon épaule, son sang coulait à flot sur mon corps. J’étais paralysée, je ne pouvais plus faire un seul mouvement et même respirer me faisait souffrir. Néanmoins, je ne sais par quelle miracle, mon frère réussit à me murmurer quelques mots :
« Calix… Pardonne-moi… ». Plusieurs morceaux de verre avaient déchirés son visage angélique et pur. Les larmes se déversaient sur mes joues. Ce sont les seuls mots qui lui traversèrent les lèvres. Ses yeux se refermèrent à jamais. Ses respirations se sont faites de plus en plus lentes et douloureuses et ses poumons finirent pas ne plus du tout se soulever. Mon frère, qui était toute ma vie et mon seul repère, venait de trouver le repos éternel sur mon épaule. Les douleurs que me procuraient les multiples fractures et brulures ont été remplacées par une déchirure au coeur. Même la peur de mourir en voyant la voiture s’enflammée ne m’atteignait pas. Je n’aspirai qu’à une seule chose, rejoindre mon frère. J’ai fermé mes yeux en attendant la fin. J’attendais simplement le moment où tout s’évanouirait dans une lumière blanche et un air pur.
« Calix ! » Hurlait une voix. Duncan se tenait à ma portière, complètement paniqué et anéanti en voyant mon corps meurtri. Avec sa force et l’aide de ses compagnons, ils écartèrent la portière. Duncan eut du mal à supporter ma vue et celle de mon défunt frère.
« Mon dieu… Je vais te sortir de là princesse. » S’empressait-il d’ajouter. Difficilement, il écartait le corps de mon frère et vint défaire ma ceinture. Il me prit dans ses bras aussi délicatement que possible mais également surement, en prenant soin de mon cou pour ne pas risquer la rupture fatale. Il courut me déposer sur le sol un peu plus loin et la seule chose dont je me souviens, c’est la voiture s’enflammer abondement. J’ai vu le corps de l’homme de ma vie partir derrière les flammes avant que je succombe dans le néant.
Je suis restée deux semaines dans le coma. J’ai eu un bras cassé ainsi qu’une jambe, de multiples hématomes sur tout le corps accompagnés de brulures, une fissure au niveau du bassin qui me fait toujours souffrir actuellement et six points de suture à la tête. Ces cicatrices s’effaceront avec le temps mais celles de mon cœur, jamais. Je suis restée en tout un moi à l’hôpital et j’ai été suivie par un psychologue puisqu'ils avaient peur que je tente de rejoindre mon frère. Il est vrai que je suis tombée dans une dépression. Moi, qui était boulotte auparavant, j'ai réussi à atteindre le quarante-cinq kilos. Mes parents sont souvent venus me voir, ainsi que Duncan. C'est celui qui est resté du début jusqu’à la fin de mon hospitalisation. Il dormait sur la chaise à côté de moi chaque nuit et il passait toutes ses journées à m’aider pour m’habiller, me laver, me faire manger malgré que je refusais. Il m’offrait des fleurs, des chocolats puisqu’il savait que les « Ferrero Rocher » étaient mes préférés. Notre relation s'est renforcé d'autant plus avec ça et aucun mot ni aucun geste ne serait suffisant pour le remercier de tout ce qu'il a fait pour moi et pour m'aider à m'en sortir.
« Cher Journal,
Mon frère est parti et cela fait huit mois maintenant. Il ne reviendra jamais. J’essaye de me dire qu’il est parti vers un monde meilleur où il n’aura plus à craindre la cruauté de ce monde infâme. Mais il me manque. Je ne suis plus rien sans lui. J’ai perdu l’homme qui me faisait sourire, l’homme qui me permettait d’être moi-même sans me cacher derrière un masque. Mon frère était celui pour qui je respirai. Il allait mal, j’allais mal. Tout le monde nous prenait pour des jumeaux mais pourtant, il était de deux ans mon aîné. Beaucoup enviait notre relation. Relation qui est désormais partie sous les flammes. J’ai comme un vide au fond de mon être. Un trou béant dans ma poitrine qui refuse de se refermer et qui aspire chaque parcelle de ma chair. Je souffre. Je ne sais pas si tu arrives à entendre mes prières, William, mais sans toi je suis complément perdue. Je demeure sans vie et je marche sur le chemin périlleux de la vie en ayant perdu mon seul refuge car c'est toi qui l'étais. Que vais-je devenir désormais ? C'est toi qui as fait ce que je suis devenue aujourd'hui. C'est grâce à toi que j'ai découvert le monde du rock et du métal avec des groupes qui sont rentrés dans la légende comme Aerosmith ou Led Zeppelin. Tu m'as fait découvrir la vie et aujourd'hui, c'est comme si mes yeux s'étaient fermés. Je suis morte de l'intérieur. Toutes envies ont ôté mon corps et mon coeur meurtri par la douleur d'un abandon. Ne pouvais-tu pas te battre ? Mes larmes coulent sur mes joues, grand frère. Tu étais mon mentor, tu étais mon tout. Je suis seule désormais. Entièrement seule. Je fais de plus en plus de cauchemars. Je nous revois tout les deux dans cette voiture et ce camion qui nous percute de plein fouet. Je vois une nouvelle fois tes yeux qui fixent les miens avant de disparaitre à tout jamais derrière tes paupières. Mes blessures cicatrisent lentement mais celles présentes dans mon coeur ne pourront jamais s'effacer. C'est comme si on l'avait jeté contre des fils barbelés. Il est déchiré. Es-tu au moins heureux là où tu es désormais ? Veilles-tu sur moi comme notre mère m'a affirmé ? Ou n'es-tu devenu qu'un simple rêve évanoui ? Duncan, ton meilleur ami, tente de prendre la relève, tu sais. Il essaye de s'occuper de moi comme tu le faisais comme pour perpétuer ta mémoire. Il était également anéanti. Il n'en parle pas mais je le vois parfois regarder des photos de vous deux, le regard perdu. Tu nous manques affreusement, William. Je ne t'oublierai jamais et je t'aimerai pour toujours. Tu restes ancré dans mon âme.
Calix. »
N'arrivant toujours pas à faire son deuil, Calix a fuit sa ville natale, sa famille et ses amis pour essayer de commencer une nouvelle vie loin de tout. Cela fait donc un mois qu'elle s'est installée à Manhattan suite à une place qui s'est libéré à l’hôpital. Elle s'y retrouve infirmière et espère arriver à faire le deuil de son frère.