«
C'est encore une fille ! » Quelle déception, après trois filles, un garçon était désiré. Il aurait fait tâche dans le tableau, mais il était désiré. Enfin. Cachant tout signe de déception, Duncan Everdeen, père de ses quatre adorables filles prit la parole. Peut-être même qu'un sourire se lisait sur ses lèvre. «
Cathleen Lou ... » «
Non. » «
Quoi non ? » «
Tu ne peux pas lui donner ce second prénom. » «
Et pourquoi ça ? C'était celui de ma mère ! » «
Peut-être, mais c'est moche. » Face à cet argument, Duncan ne pu ajouter une phrase. C'était moche. Mouais, n'empêche qu'il fit inscrire ce second prénom à la mairie. Dans le dos de sa femme. C'était moche aussi ça. Mais à défaut de pouvoir donner le nom de son père à son fils, le nom de sa mère devait figurer sur un acte de naissance … sous peine de … de graves représailles oui. Quelque chose comme un retour d'outre les tombes sous forme de zombie carnivore et lanceur de chocapic. Mieux valait ne pas risquer cela.
«
Lou ... » «
SHHHHH ! » «
Ben quoi papa ? » «
Ne prononce pas ce prénom ! » Mon visage se déformait sous le coup d'une grimace prouvant mon incompréhension. «
On ne peut pas le dire, c'est interdit. » «
Et pourquoi c'est interdit ? » «
Parce que c'est dangereux. » J'avais un deuxième prénom dangereux. Première nouvelle. Mais j'en étais fière. Ouais. J'avais sept ans, je savais enfin lire et j'apprenais que je possédais un deuxième prénom maléfique. «
C'est comme un double maléfique qui pourrait tous nous désintégrer en claquant des doigts ? » Là, c'était mon père qui grimaçait. L'espace de deux secondes. «
Ouais, exactement … ta mère pourrait me désintégrer si elle savait ça. » «
Cooooool. » Pas la désintégration possible de mon père, non, mais mon super pouvoir. Heureusement que j'avais accepté d'aider mon père à ranger son bureau. Enfin, heureusement qu'il m'avait forcée à le faire en me promettant un nouveau poney rose. Sans ça, je n'aurais jamais su qu'un acte de naissance existait, je n'aurais jamais pu le lire et apprendre ma seconde vie de wonderwoman. «
C'est notre secret hein. » J'acquiesçai d'un signe de tête, bien trop contente des récentes nouvelles, et tapais dans la main que mon père me tendait.
«
Bienvenue à vous, sa femme, ses filles, sa famille, ses amis, ses voisins, ses connaissances, tous venus pour lui faire un dernier hommage ... » Assise entre ma mère et ma plus grande soeur, je gardais le regard posé sur le sol. Je n'avais pas envie d'être là, pas envie de participer à cette triste célébration. Non. J'avais douze ans, et sans comprendre pourquoi, je savais que je ne pourrais plus jamais partager de secret avec mon père. C'était mon meilleur allié dans la famille et je l'avais perdu en une seconde. Culpabilisante, j'avais d'ailleurs demandé à ma mère la veille : «
C'est parce que je l'ai dis à Azo ? » Mon secret. Oui, j'avais trahi mon père. Mais c'était pas pareil avec Azo pourtant. «
Mais non ma puce, ton père était malade, tu n'y es pour rien. » J'avais eu envie de la croire. Même si pendant deux ans je regardais sous mon lit avant de dormir au cas où un double maléfique traînerait dans ce coin poussiéreux. Je n'y étais pour rien, mais ça craignait un maximum. La tête baissée, j'entendais les gens pleurer autour de moi. Des reniflements agaçants et des murmures incompréhensibles. «
Les choses les plus importantes sont souvent invisibles pour les yeux ... » Le prêtre continuait de parler alors que je ne lui prêtais qu'une infime attention. J'avais d'ailleurs entendu que la fin de sa phrase. Et ça m'avait décroché un sourire. Invisible pour les yeux ? Cela voulait dire que mon père était toujours là. Quelque part. Pour moi. Ailleurs que dans le cercueil qui reposait sous mes yeux. Ces quatre mots m'avaient apaisé. Pas consolée non, mais apaisée.
«
Azo pense que j'ai peut-être des sentiments pour ... » «
CAAAAT t'es là ? » Comme prise sur le fait, j'attrapais le premier magasine qui traînait sur mon lit. Le tenant à l'envers, je répondais par l'affirmative, jusqu'à voir ma colocataire entrer dans ma chambre. Elle jetait un oeil rapide dans ma chambre. «
Euh … tu parlais à qui ? » «
Personne, pourquoi ? » J'affichais un sourire forcé, prouvant que je mentais. Mais pourquoi, diable, ne savais-je pas mentir ? «
Tourne ton magasine poulette. » Je baissais mon regard de mon amie à mon journal et relevais un sourcil. Je le tournais … mais pourquoi devais-je voir la couverture ? A l'envers qui plus est … hum étrange. Je secouais la tête, comme pour remettre mes idées en place et finis par jeter le magasin en chinois sur le lit. «
On sort ce soir ? » La meilleure des parades, c'était de parler. «
Tu parles à moi ou à … tes meubles ? » Ah oui, ma colocataire était une grande comique. Vraiment. En réalité, je parlais à mon père. Cela m'arrivait parfois. Je sentais sa présence et j'avais besoin de lui déballer ma vie. Et il avait le temps de m'écouter désormais. Il ne me coupait plus jamais la parole … normal vous me direz. Mais personne le savait. Pas même Azo, mon journal intime vivant. «
Bah, à toi. » Ouais, je parlais à toi, avec qui j'avais d'ailleurs couché la veille. Sujet clos d'ailleurs.
«
Waouhhh. » Impressionnant. Avachie sur mon canapé, confortablement installée dans mon jogging et mon gros sweatshirt '
Banana out of control', les cheveux attachés en un chignon sans forme sur le haut de ma tête et un bol de glace dans les mains, je n'en revenais pas. La cuillère en bouche, j'attrapais des pieds mon balckberry posé sur la table. «
Azo doit savoir ça. » Périlleuse cascade, mais parfaitement maîtrisée -on voyait que je passais mon temps libre dans cette position-, j'avais mon portable en main en moins de six secondes. J'avalais de la glace, tandis que je composais le numéro d'Azo. J'effectuais une petite danse à chaque sonnerie d'attente, avant de pouvoir enfin parler. «
Tu savais que les lions pouvaient faire cinquante fois l'amour en une journée ? » … capital comme information non ? Et puis Azo avait l'habitude que je l'appelle pour raconter tout et rien. On s'éclatait comme ça. «
Bon en même temps ça dure que trente secondes … mais cinquante fois trente secondes ça fait ... » Calcul mental ? Nan, impossible. «
Quand on pense que t'arrives même pas à trouver un mec pour le faire toutes les semaines ... » Elle m'avait raccroché au nez. Pas par méchanceté non. Juste pour me prouver son désaccord. Surtout que ouais … j'avais peut-être tort. Elle devait se satisfaire régulièrement sûrement. Elle n'avait pas trouver le grand amour, comme moi, alors elle devait bien s'amuser parfois … comme moi. Je riais à la coupure de communication jusqu'à ce que mon portable sonne, une minute plus tard. «
Désolée, mais j'en ai trouvé un de mec là. »