"Aaron ?" Pour toute réponse, la masse qui ronflait sous sa couette se contenta de grommeler. "Tu dors ?" "... Plus maintenant tête de linotte." Je baissa les yeux et rougis. "J'arrive pas à dormir ..." Un bruissement de tissu se fit entendre. Je relevais les yeux, Aaron venait d'ouvrir sa couette pour m'inviter à dormir avec lui. "Viens là va." Je ne pu m'empêcher de sourire et fonça comme une furie sur le lit de mon frère. "Il faudra peut-être qu'on pense à t'envoyer voir un médecin Chloe." dit-il alors que j'enfouissais mon visage enfantin sous son épaule. "Toutes ces insomnies ..." "Chut." Il est vrai que j'ai toujours rencontrer du mal à m'endormir. Mais il faut aussi avouer qu'il m'est arriver de mentir, de prétexter une insomnie avant même d'avoir essayé de dormir, simplement pour pouvoir me blottir contre mon frère.

"Maman ?" dis-je en m'approchant furtivement dans le dos de maman qui s'attelait à la cuisine. "Oui chérie ?" "C'est les soldes ..." lançais-je langoureusement. "Oh chérie ..." Sa voix était fatiguée. "Quoi ?" m'alarmai-je. "On est un peu à court en ce moment." souffla finalement maman. "Mais mes copines" commençai-je avant d'être interrompue par un parasite. "Arrête de ne voir qu'avec tes copines Chloe !" Je me retournais surprise. "Aaron !" Le dit parasite arbora un sourire radieux."Lui-même !" Je me retournais vers maman. "Sutton a dit que" "Sutton, Sutton, Sutton. Tu n'as qu'elle à la bouche. Sutton par ci, Sutton par là, tu joues à Jacques à dit ou quoi ?" "Maman !" "Ton frère a raison chérie. La relation que tu as avec ces filles ne te fais pas du bien." concéda-t-elle."C'est des filles à papa pourries gâtées." surenchérit Aaron. "Honnêtement Chloe, tu n'as pas un peu l'impression qu'elles jouent avec toi comme avec un larbin ?"

"Alors on sort comme une fugueuse ?" La stupeur me prit, quand rentrant clandestinement de soirée, je retrouvais Aaron, étalé de tout son long sur mon lit, m'attendant patiemment. "Qu’est-ce que tu fous là Aaron ?" m'offusquai-je, comme violée dans mon intimité. "Ne joue pas à ça avec moi Chloé ! T’étais où ce soir ?" "Tu m'as attendu pendant tout ce temps ? T'es vraiment malade Aaron ! Sérieusement, faut que t'arrête de jouer au grand frère protecteur, c’est pénible ! Je peux me débrouiller toute seule !" "C’est faux Chloé, tu sais très bien que c’est faux. Je te conseille de ne jamais recommencer." "Ou quoi ? Arrête de te prendre pour mon père." "A quoi tu joues ce soir exactement ?" Son regard avait changé, il était blessé et profondément déçu. "A rien du tout cher frère, j’essaye de te faire comprendre que tu me pourris la vie !" "Et bien cela ne sera plus long, je pars à New-York !" "Bon débarras !" marmonnais-je tandis qu'il claquait violemment la porte de ma chambre. Mes mots allaient littéralement dépasser ma pensée, mais je n'allais m'en rendre compte qu'au petit matin, quant j'allais découvrir qu'Aaron était bel et bien parti. Tout aurait pu s'arranger si je l'avais pris au sérieux et était venu m'excuser dans sa chambre. Il ne m'avait même pas dit aurevoir.

Papa est mort, je n'avais que dix ans. Aaron est parti, je n'avais que dix-huit ans. Cela fait deux ans que je suis seule avec Maman. J'ai des nouvelles d'Aaron par l'intermédiaire de Maman à qui il téléphone. ll nous envoie même de l'argent de temps en temps. Apparemment, il va bien, et son affaire aussi. J'ai crée une vrai complicité avec Maman. Je me suis détachée de mes fausses amies. Le départ d'Aaron a été déterminant pour moi. C'était bien la dernière personne que j'avais envie de décevoir. Je me suis remise en question. Et bien que j'étais trop orgueilleuse pour faire le premier pas, il me manquait énormément. Maman souffrait de cette guerre froide, mais elle ne disait rien. Je suis entrée à l'université. J'ai rencontré un garçon. Je suis tombée amoureuse. Pour la première fois. Je l'aimais. Vraiment. Il m'a brisé le coeur. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. J'ai décidé de partir. Etre plus proche des grandes enseignes de la presse nationale et internationale. Retrouver Aaron. Me faire pardonner. Me faire consoler. J'ai demandé ma mutation à la fac. Il va m'en vouloir d'avoir laissé Maman toute seule. Il va me trouver futile de quitter Charlotte simplement pour un chagrin d'amour.