Je remets le livre en rayon et vais à l’arrière boutique pour prendre mes affaires. Ma journée touche à sa fin, et bien que j’adore cet univers littéraire, j’aime encore plus rentrer chez moi. Mon métier me plait, ça c’est certain ! Je suis constamment entourée de bouquins, je peux lire le livre qui me plait quand je veux tant qu’il n’y a aucun client, bien souvent je fais la rencontre de personnes formidables, et mon patron est simplement un amour. Mais j’adore particulièrement ce moment où je rentre chez moi, où je retrouve Barbouille, mon magnifique chien. Vivre en appartement ce n’est pas forcément ce qu’il y a de mieux pour lui, mais je n’ai rien d’autre à lui offrir. En plus, il n’est pas con mon chien, je lui ai appris à aller pisser dans la salle-de-bain. Je lui ai installé une litière. Je sais, ça parait con… un chien sur une litière… Oui, ben c’est mieux que de devoir nettoyer ses crottes qui trônent sur mon sol en plein milieu du salon ! Évidemment, quand j’arrive, je l’emmène se promener et il est content. Et aujourd’hui, après l’avoir sortir une dizaine de minutes, nous sommes revenus à l’appartement. Et je me suis affalée sur mon canapé ! J’ai ôté mes chaussures que j’ai balancées un peu n’importe où dans mon salon, et j’ai retiré ma veste en me tortillant dans tous les sens. A ce moment-là, mon téléphone a sonné. J’ai plongé en avant vers la table basse pour l’attraper… mais je me suis stoppé dans mon élan. Ce n’est que Max… et là, je n’ai vraiment pas envie de l’écouter. J’ai laissé sonner jusqu’à ce que ça s’arrête, et puis quelques instants après, j’ai reçu une alerte m’indiquant que j’avais un message vocal. Soit, que me veut-il ? Je l’ai écouté distraitement. Je souffle… encore une fois il s’excuse de me fausser compagnie ce soir, il a du travail à rattraper. Traduction : je n’ai pas envie de te voir ce soir, je me suis trouvée une nana à baiser qui ouvre plus les jambes que toi. Connard ! Mais fallait s’y attendre. Et puis de toute manière, moi non plus je n’ai pas envie de le voir ce soir. Il m’énerve ces derniers temps… en fait, il m’énerve vraiment depuis deux semaines. Depuis qu’il m’a forcé à faire un choix entre lui et Ben. Et ce dernier, quel con ! Pourquoi est-ce qu’il ne m’a pas écouté ? Je secoue la tête et me masse les tempes en fermant les yeux, je ne dois pas penser à lui. Je sais ce qu’il me faut ! Un bain, en écoutant du Pink Floyd. Ça va me relaxer, y a aucun doute ! Aller c’est partit, je vais me faire me couler mon bain bien chaud et pendant ce temps, j’vais me déshabiller dans ma chambre. Je balance tout par terre, et quand je retourne dans la salle de bain je branche mon ipod et sélectionne les albums de Pink Floyd. Je rentre doucement dans mon bain plein de mousse, et quand enfin j’arrive à vaincre le chaud, je m’allonge et m’installe confortablement, fermant les yeux. Pfiou, j’pourrais m’endormir comme ça ! Je reste comme ça plusieurs minutes, me délectant de ce moment de détente et puis… Hein c’est quoi ça ? Mon téléphone ? Je me redresse subitement, éclaboussant le sol en même temps. Waow… je me suis assoupie ou quoi ? J’écoutais pas cette chanson y a un instant ! C’est moi ou il fait plus sombre que quand j’suis rentrée dans mon bain ? Je plisse les yeux pour lire l’heure de ma pendule… oh j’y crois pas ! Une heure ! Ça fait une heure que je suis dans mon bain ! Faut que je sorte, je vais ressembler à un petit poisson tout fripé. Je sors difficilement de ma baignoire, et attrape ma serviette dans laquelle je m’enroule.

Au passage, j’éteins ma musique et je vais directement dans le salon où j’ai laissé mon téléphone. Je suis certaine que c’est encore Max… j’ai bien compris que tu voulais t’envoyer en l’air avec une pétasse, pas la peine de me le rappeler ! J’attrape mon téléphone en soufflant. Ben ? C’est la sainte trou du cul ou quoi ? Pourquoi ceux que je m’efforce d’ignorer essayent de m’appeler ? LE MÊME SOIR EN PLUS ?! Je tourne la tête vers la fenêtre et fixe un point invisible pendant quelques instants. D’une main je maintiens ma serviette contre ma poitrine, dans l’autre j’ai mon téléphone. Je repose mon regard sur l’écran de mon cellulaire et pousse un petit soupir. J’appuie sur la touche supprimer, sans même prendre la peine d’écouter le message de Ben. Il m’a fait assez de mal comme ça, pas besoin d’en rajouter une couche. Je repose mon téléphone sur la table et je retourne dans ma chambre pour enfiler quelque chose. Je reste stoïque devant ma penderie. Est-ce que j’enfile mon pyjama pour me faire une soirée déprime films et pizza, et glace ? Ou est-ce que je mets quelque chose de sortable pour aller me saouler la gueule et oublier mes tracas au MacLaren’s ? Plouf plouf… Oh et puis merde, j’vais aller me saouler la gueule ! J’attrape une robe noire sexy et plutôt simple, des sous-vêtements que je viens de m’acheter et pour lesquels j’ai craqué (la vie est faite de petits plaisirs), et j’enfile le tout. Je me sèche les cheveux, me maquille rapidement (après tout, je ne vais pas faire le tapis rouge), fourre quelques affaires dans mon sac, me glisse dans mon manteau, mets mes escarpins, et me voilà partie. Je pourrais toujours manger là-bas.

Quand j’arrive au MacLaren’s, je vais directement m’installer à une table et commence à regarder le menu. Plus par manque d’occupation qu’autre chose en fait… parce que ce que je vais commander est plutôt simple. Un repas de base, et une boisson bien alcoolisée. Ce soir, j’ai juste envie de me lâcher… de me laisser aller. Et puis si je termine la soirée avec un parfait inconnu, je dirais carpe diem ! Et que Max aille se faire foutre ! Et Ben aussi tant qu’à faire ! Tiens, qu’ils aillent se faire foutre ensemble ! Un serveur arrive pile au moment où je suis en train de faire passer ma frustration sur ce pauvre menu… qui se retrouve un peu froissé par ma faute. Je toussote et pose les yeux sur le serveur qui me demande ce que je veux. Bon, je ne sais pas s’il a remarqué le carnage que j’étais en train de faire, mais si c’est le cas il n’en laisse rien paraître. Je pose le menu à plat sur la table et le lisse doucement sans quitter le serveur des yeux. « Hm, je vais prendre… vous avez du steak ? J’vais me prendre ça, saignant. Avec des frites. Et puis, amenez-moi aussi… une bière. Une grande. » Il nota sa petite commande sur son calepin et puis posa les yeux sur moi. « La cuisson va mettre quelques minutes, est-ce que je vous sers votre bière maintenant ou après ? » J’hausse les sourcils comme si sa question était idiote. « Maintenant, bien entendu. Oh, et si vous avez, j’sais pas, des gâteaux d’apéritifs… je suis preneuse. » Il hoche la tête et s’éloigne. Puis il revient quelques instants après avec ma bière et un bol de petits bretzels. Bwarf, ce ne sont pas mes préférés… Bon tant pis, c’est devant moi, je grignote. J’ôte ma veste que je pose à côté de moi, et je m’affale à moitié sur la table. Le coude posé dessus, ma tête sur ma main. Tantôt je mange des petits bretzels, tantôt je prends une bonne gorgée de ma bière. Ce qu’il y a de triste quand on est seul, c’est qu’on n’a personne à qui faire la discussion. Quand le serveur revient pour me donner mon assiette, je n’ai même plus vraiment faim. Et ma bière est presque terminée, du coup je lui en commande une seconde. « Gardez la bière pas loin, une troisième suivra sûrement. » Il fait une tête bizarre, puis retourne à son travail. J’ai l’air désespérée ? Pff non. J’entame mon steak et mes frites, mâchouillant lentement. Ces abrutis de bretzels ont réussi à me caler… ! Je termine ma bière pile au moment où ma seconde arrive. Hop et voilà que je l’entame. Je mange un peu, je bois beaucoup. Je vais avoir envie de pisser moi après ça ! Je délaisse mon steak pour mes frites. En fait, j’ai plus envie de boire qu’autre chose. En plus, j’ai l’impression que ma soif ne s’étanche pas. (sûrement qu’une impression…) Je lève la main pour interpeler mon serveur. « Hé, toi ! » Il s’approche, je lui offre un grand sourire. C’est quoi cette tête ? J’ai un morceau de frite entre les dents ? Je me passe la langue sur les dents… bah, non j’sens pas. Tant pis. « Une autre s’il vous plait. » Je commence déjà à voir trouble. Une bière suffit à me rendre pompette… alors deux bières, je marche de travers. Et une troisième, c’en est finit de moi ! Enfin presque.

Je termine ma bière et je grappille mes frites en attendant ma troisième bière. J’ai soif, moi, oh ! Ah, bah enfin la voilà ! Il va me prendre pour une folle à boire comme ça. Je m’en fous la patate ! Je prends une grande gorgée et là… un énooooorme rot m’échappe ! Hm, glamour ! Je mets ma main devant ma bouche et explose de rire comme une enfant prise en faute. « Hihihihi !! » Je me calme un peu et mange de mes frites, entre deux gorgées de bière. J’observe un couple un peu plus loin, en train de roucouler. Dégoûtants… on dirait Shrek et Fiona ! Oh tiens, mais ce ne serait pas l’âne à côté d’eux ?! Oh mais si, ils ont un gosse ces boulets !! J’étouffe un rire. Le remake de Shrek au MacLaren’s ! Aller, aller, où qu’il est le prince charmant complètement con ? Je tourne la tête vers la porte, je parie cinq frites que dans un instant il passe la porte ! Dis pas d’conneries, le prince charmant va pas venir au MacLaren’s, ça risque de lui faire peur. Mais nooooon, il va venir j’te dis. Il veut se venger de Shrek de lui avoir bousillé son happy end. Tu dis vraiment n’importe quoi, il est trop occupé à pleurer dans les bras de sa maman la bonne fée. La mauvaise fée tu veux dire ! Il viendra, j’en suis sûre ! Attends, j’ai quand même parié cinq frites !! C’est pas rien !!! […] Je me concentre sur la porte, essayant de ne pas écouter la voix du chat potté dans ma tête. Le prince charmant complètement con va entrer… MAINTENANT ! Bon… maintenant !! Rooh… j’ai dit… MAINTENANT !! Paf, la porte s’ouvre ! Ohoh, je suis trop forte ! Et le prince charmant complètement con est… OH PUTAIN ! Ben ? Mes yeux s’ouvrent grand, et la panique s’emparent de moi. Qu’est-ce que je fais ? Instinctivement, je m’aplatis contre ma table ! Peut être qu’il ne me verra pas ? Est-ce que je dois partir ? NON ! Si je me lève il me verra ! Je me glisse sous la table avec grosse dificulté, et j’essaye de passer en dessous pour m’asseoir de l’autre côté (et ainsi lui tourner le dos). « AIE, MERDE, CHIOTTE ! » Bon déjà j’ai pas crié, mais j’ai chuchoté vachement fort… Je viens de me cogner la tête contre la table… ! Je ressors discrètement la tête et observe les alentours, bon pas de Ben à l’horizon. Je peux sortir. Je me hisse comme je peux sur la banquette et enfin j’arrive à m’assoir. « Pfioouu. » Je m’essuie le front, en signe d’effort. Je tourne la tête vers le bar et… han !! Je plonge en avant et m’éclate la joue contre la banquette en mousse ! Il a regardé par-là !! Est-ce qu’il m’a vu ? Pitié pitié, faites qu’il ne m’ait pas vu ! Je croise les doigts et ferme les yeux très très forts. Il parait que ça peut fonctionner mieux… « Jane ? » Oups… Si je garde les yeux fermés et que je lui réponds pas, il va peut être partir… « Jane, je te vois. » « Non c’est pas moi, c’est un miraaaaage. » Je l’entends soupirer. Roh mince, j’crois qu’il m’a trouvé… J’ouvre un œil, puis le deuxième… et je me redresse lentement. Je lui adresse un sourire maladroit et un petit coucou de la main. J’ai peut être encore une chance de me sauver en courant ? Je regarde de tous les côtés, je cherche une issue de secours. Trop tard ! Ben vient de s’assoir à côté de moi. Il aurait pu se mettre en face, mais non, il s’assoit juste à côté. Peut être que si je me glisse suffisamment vite sous la table… ? C’est le moment d’essayer. A trois ! Un… deux… « Tu fais quoi ici toute seule ? » Je tourne la tête, étonnée, vers Ben. Mince j’ai perdu le fil, j’en étais où ? C’est quoi déjà après deux ? « Euh… ben je euh… » J’attrape mon verre de bière et le fait glisser vers moi. « Je bois. » Puis je lui affiche un petit sourire innocent avant de reprendre une grande gorgée. Je suis venue ici pour boire et oublier mes soucis. Maintenant je dois boire pour affronter MON souci… il vient de se pointer au MacLaren’s !