« Dis, tu crois que mon poisson rouge c’est une fille ou un garçon ? » La tête grossie par la forme arrondie de son nouvel aquarium, une petite rouquine dévisageait attentivement son cadeau de fête : un poisson. De l’autre coté se trouvait son meilleur ami, son ombre, tout aussi roux qu’elle, voir encore plus, sceptique face à la question de la petite. « Arrêtes de raconter n’importe quoi. On dit un poisson alors c’est un garçon. Et puis de toute façon, le rouge, c’est pas une couleur de fille. » Et c’est de cette façon que la jeune fille se tût, continua d’admirer son poisson tourner en rond, d’un air plus qu’admiratif, comme si ce petit être à peine conscient de son existence allait changer la sienne pour le restant de ses jours. Il n’y avait jamais personne qui n’avait compris pourquoi est-ce qu’elle s’émerveillait avec tout et pourquoi elle cherchait autant à comprendre le monde autour d’elle. Sa curiosité n’avait pratiquement aucune limite et la seule personne qui réussissait à la calmer pour quelques minutes était le fils des voisins. Ils se connaissaient depuis qu’ils étaient aux couches et à vrai dire, elle était persuadée qu’en fait, ils étaient meilleurs amis depuis toujours. Sa petite mémoire ne pouvait pas se rappeler d’un seul moment de sa vie où Daemon n’avait pas été présent et son imagination ne pouvait pas le concevoir non plus. La réponse que lui donna le rouquin face à elle, de l’autre coté de l’aquarium lui sembla satisfaisante. Elle ne savait pas vraiment quoi argumenter, après tout, il était trois mois plus vieux qu’elle alors il devait en savoir beaucoup plus sur le monde – et du fait même sur les poissons – qu’elle. « Allez viens, il dois dormir ton poisson ! On va jouer au chat et la souris ? » Elle n’eut pas vraiment le choix : à peine la question posée, Daemon la prit par la main et l’entraîna dans la cour arrière où ils s’amusèrent à enterrer des fourmis, se jeter dans l’herbe, chasser des terroristes et sauver le monde… Les activités habituelles de tous les enfants, quoi.

« Il va encore falloir attendre au mois prochain pour payer l’électricité. On ne peut pas se permettre de retarder les courses d’une semaine, les enfants n’auront plus rien à manger pour l’école. » Du coin du salon, Maëlys, 17 ans, entendit ses parents parler des factures, encore une fois. C’était un sujet assez répétitif dans la maison depuis que son père avait perdu son job. En plus, avec Isaïah, son petit frère de 10 ans, et elle qui rêvait d’aller en droit à l’université, c’était la galère. Ne pas briser les rêves de leurs enfants et se priver pour eux ? Pas question ! Cela faisait déjà des mois qu’ils se privaient de tout, de ce qu’ils avaient envie de manger, de porter, de faire… ils ne prenaient même plus le temps de passer du temps ensemble. Son pauvre frère n’en avait heureusement pas conscience, mais elle, elle n’en pouvait plus de voir ses parents souffrir encore une semaine de plus. La rouquine regarda sa montre : il était 18 heures et elle avait promis à Daemon qu’elle irait le rejoindre au parc pour qu’ils puissent aller prendre une glace et rigoler un peu. Soupirant, elle dut se résigner à aller devant son ordinateur et en ressortir une heure plus tard avec une pile de feuille soigneusement rangée dans un portfolio. « Où est-ce que tu vas ma chérie ? » Prenant une galette au passage et son manteau pour ne pas avoir froid, elle eut à peine le temps de répondre à son père : « Je vais au parc avec Daemon, je ne rentrerai pas tard promis ! Malheureusement, Maëlys ne rejoignit jamais son meilleur ami ce soir là. À 21 heures, elle rentra chez elle le sourire aux lèvres et déposa sur la table ce qui s’apparentait beaucoup à un horaire. « Qu’est-ce que c’est ? Du doigt elle pointa le nom d’un petit café à quelques coins de rue de leur maison. « J’ai décidé de commencer à travailler. »

« Tu comptais me le dire quand, ça ? » Visiblement, il était en colère. Ils ne s’étaient pas parlé pendant des mois après qu’elle se soit éloignée de lui, ne voulant pas qu’il la prenne en pitié à cause de la situation financière de sa famille. Maintenant que tout allait mieux et qu’il avait décidé d’arrêter de la bouder à cause de ce malentendu, elle allait, encore une fois, tout foutre en l’air avec un autre secret et il lui ferait la gueule jusqu’à noël de l’an prochain. Décidément, il était bien loin le temps où ils s’amusaient avec son poisson rouge.« J’ai pas à te faire un compte-rendu de ma vie Daemon ! Et puis, je sors bien avec qui je veux ! »Maëlys savait très bien que ça n’allait rien arranger, mais elle n’était pas celle qui pliait et encore moins celle qui reculait devant son orgueil.. C’était mal et cela lui causait bien des malentendus, mais c’était plus fort qu’elle. « Non mais tu veux rire ? J’ai pas arrêté de le regarder lorsque j’allais te chercher au boulot ! Il te mate comme un morceau de viande et c’est un vrai coureur de jupons ! Et me fait pas le coup du « Il est pas comme ça avec moi.. » Ça marchera pas ! Dans 3 mois tu reviendras vers moi en me disant qu’il t’a brisé le cœur et je devrai te ramasser à la petite cuillère ! « Parfait ! Si ça arrive, rappelles moi de ne pas venir te voir alors, je vais t’épargner la lourde tâche d’être mon meilleur ami ! » Et ce fut la fin.

Un an avait passé depuis cette soirée. Daemon était désormais à New York et elle, elle bossait toujours dans son café miteux avec son ex qui lui servait maintenant de patron. Oui, son ex meilleur ami avait bien eu raison d’elle et elle se retrouvait maintenant détruite face à ce qui lui restait bien : ses études. Elle caressait toujours le rêve d’étudier en droit, chose qui serait bientôt régler puisqu’elle devait faire son choix d’université cette semaine. Elle n’avait pas arrêté de feuilleter toutes les brochures, les unes après les autres, cherchant la meilleure place où aller. Ses notes ne la bloqueraient pas, elle avait les plus hautes de sa classe. Et puis, avec son ambition, impossible de la stopper, elle était pire qu’un boulet de canon. À la lumière de sa lampe de bureau, ses yeux s’arrêtèrent sur New York. Évidemment, les meilleures université du pays, comment pouvait-elle ne pas y penser ? Mais ce n’était pas ça qui la tracassait le plus. En pensant à cette ville, une seule image lui revenait en tête : Daemon. Secouant la tête, elle tenta de se convaincre que ce n’était pas le choix à faire… une seconde passa et ce fut automatique : les papiers d’inscriptions étaient remplis et scellés dans une enveloppe à direction de New York.